Cette rubrique de la newsletter OPTIMA vise à croiser théorie et pratique à travers le regard universitaire porté sur la pratique mise en avant. Il s'agit là de diffuser les connaissances de la chaire et d'informer sur la recherche menée par nos équipes sur les questions soulevées par le sujet.
Retrouvez sur cette page tous les articles de notre rubrique " Optim'analyse " :
- Cap sur l'innovation : les facteurs clés ! (news n°1)
- Les effets du contexte local sur le management public territorial (news n°2)
- Les projets de territoire : finalités, facteurs clés de succès et conditions de mise en oeuvre (news n°3)
- L'élaboration d'un schéma de mutualisation : quels enjeux, quelles modalités ? (news n°4)
- L'optimisation de la gestion patrimoniale, un axe de recherche source d’innovations managériales (news n°5)
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Analyse du développement durable local et de ses facteurs d'influence Eurydice BLED, Docteur en Science de Gestion, Chaire OPTIMA |
L’Agenda 21 local est un plan d’actions locales programmées pour une amélioration continue de notre mode de développement, vers une forme de développement durable. C’est à Rio, en 1992, lors du Sommet des Nations Unies qu’est né l’Agenda 21 afin de fournir aux collectivités locales un outil de planification de ce « penser globalement, agir localement ». Le développement durable, lui, avait vu le jour quelques années plus tôt, et s’appuie sur trois piliers fondamentaux : la préservation de l’environnement, le progrès social, et la viabilité de l’économie.
L’ONU établissait déjà en 1987 à propos du développement durable qu’ « une bonne gestion municipale exige la décentralisation – des crédits, du pouvoir politique, du personnel – en faveur des autorités locales, lesquelles sont les mieux placées pour connaître les besoins locaux et y pourvoir. » Ainsi, les collectivités furent dès le départ associées à ces initiatives pour un développement durable. Aussi, les actions de l’Agenda 21 s’orientent selon les compétences de la collectivité en un certain nombre de thématiques, couvrant l’ensemble des piliers du développement durable. Il s’agit pour les communes par exemple de la gestion du patrimoine, des politiques d’urbanisme, de déplacements, de la gestion des déchets, de l’eau, de l’assainissement, de l’énergie, des espaces publics et des paysages, des risques et de la qualité de l’air, mais il peut s’agir également des coopérations avec des collectivités de pays en développement, ou encore d’économie sociale et solidaire.
Comme nous l’avons rappelé, le développement durable s’articule autour des trois dimensions que sont : l’environnement préservé, le progrès social, l’économie viable. A l’échelle locale cependant, une autre dimension peut venir compléter les trois premières, et toutes les concerner : la gouvernance participative. En effet, il s’agit d’associer comme principe, celui avancé lors de Rio: la participation des habitants et des groupes d’intérêt à la gouvernance locale. Ainsi, le développement durable entend instituer une redistribution des ressources et des capitaux sur le long terme, dans une logique « gagnant-gagnant », mais également de nouvelles règles de participation et de décision dans nos régimes institutionnels. Ceci renvoie à un ensemble de règlementations, de normes, et d’usages qui participent à la stabilité de nos régimes politiques, à assurer leur légitimité.
Il est vrai cependant que cette dimension peut également éloigner les collectivités des défis qu’elles ont à relever dans les trois autres domaines, leur faisant faire l’impasse sur certaines exigences. En effet, elle établit des conditions de mise en œuvre consensuelles du développement durable, une implication de l’ensemble des parties prenantes des collectivités dans les décisions, mais qui peut alors faire échapper la collectivité aux réalités des conflits et des rapports de force qui existent entre les groupes d’intérêt de nos sociétés et ce développement durable.
Le bilan des Agendas 21 locaux est aujourd’hui assez mitigé, et déséquilibré quant au déploiement des quatre piliers du développement durable local. Si de nombreuses démarches existent au niveau social (notamment en faveur du logement ou de l’aide sociale) et au niveau environnemental, les dimensions de l’économie et de la gouvernance sont relativement peu étudiées par nos collectivités. Cela se rapporte à l’ancienne approche que nous avions de l’écologie, notamment de l’écologie urbaine, à savoir une approche plutôt hygiéniste, s’intéressant uniquement aux nuisances urbaines et aux espaces verts. En effet, nous pouvons constater un meilleur degré d’avancement du développement durable dans certaines politiques publiques locales comme la gestion des déchets (collecte et recyclage), des risques (souvent règlementée), ou celle des paysages (avec notamment la réduction de l’utilisation de produits phytosanitaires), et l’on peut dire que la gestion des déplacements et la gestion de l’eau commencent elles aussi à s’imprégner de cette tendance.
Le cloisonnement des services est également en cause dans ce profil très « environnemental et social» des collectivités, puisqu’il contribue à cantonner le développement durable aux services « environnement » et aux pôles d’action sociale. Dans les collectivités, peu de liens existent à ce jour entre l’Agenda 21 et les responsables du développement économique ou encore de la vie des quartiers. Le retard pris par les collectivités dans le domaine de la préservation de l’environnement explique également ce bilan.
Chaque service thématique semble posséder ses facteurs de succès propres en matière de développement durable. La pression des institutions, sous forme de contrainte légale par exemple, semble affecter plutôt les politiques énergétiques, mais aussi la gestion de l’eau, des risques et des déchets, tandis que des pressions plus locales semblent peser sur l’orientation de la politique économique, des politiques de gouvernance ou de gestion des paysages. Mais globalement quatre types de facteurs peuvent influencer les politiques publiques locales vers un développement durable : d’abord ces fameux facteurs institutionnels, ensuite d’autres facteurs à grande échelle amenant les collectivités à appliquer le même type de politiques locales. La situation géographique par exemple, peut conférer aux collectivités un certain nombre de ressources identiques, et les sciences et technologies, autre exemple, peuvent globalement leur fournir de nouvelles opportunités de développement. Plus localement, nous pouvons distinguer deux types de facteurs. Les premiers sont liés à l’environnement local spécifique de la collectivité, comme la culture de ses habitants, leur histoire, ou encore les moyens de l’organisation. Les seconds touchent plutôt aux comportements des leaders locaux, qu’ils soient administratifs, techniques, ou politiques.
En effet l’attitude des élus ou des fonctionnaires vis-à-vis du développement durable aura une influence très forte sur la mise en œuvre des politiques locales de l’Agenda 21. Des études révèlent d’ailleurs que la culture globalement réactionnaire de ces derniers, leur résistance au changement, auraient tendance à ralentir l’adoption d’innovations en matière de développement durable. Si l’implication, la motivation interne et les jeux de pouvoir des leaders garantissent l’aboutissement des projets, ils sont assurément liés à leurs compétences et à leur sensibilité.
Comme nous l’évoquions plus haut, le caractère sectoriel et cloisonné des politiques publiques locales empêche globalement la prise de décision et la mise en œuvre d’actions cohérentes au sein des collectivités. Or le développement durable et par extension l’Agenda 21 se veulent une démarche globale, pour inverser la tendance à la dégradation globale. C’est pour cela qu’une remise en cause procédurale et organisationnelle s’impose aux collectivités territoriales, en plus de l’adoption par les leaders de cette stratégie globale de développement durable. La transversalité des missions et des politiques et la collaboration intra et inter-organisationnelles sont deux étapes clés pour parvenir à un vrai développement durable local, à un Agenda 21 qui ne soit pas seulement une action marketing, un outil du service de communication. L’adhésion de l’ensemble des agents aux actions de l’Agenda 21 dépend de ces coopérations. L’Agenda 21 ne sera alors pas seulement un outil de conseil pour certains services, mais deviendra LA référence pour toutes les décisions publiques qui portent à conséquence sur les générations futures.